La louve du bois de Cheusse

« Une lettre de La Rochelle du 19 du mois dernier porte qu’une louve d’une taille extraordinaire blessa, quelques jours auparavant, le nommé Pierre Taussin qui travaillait à la vigne dans le fief de Muranville, auprès du bois du Château de Cheusse. La louve, qui était sans doute enragée, entra dans le bois, où on la poursuivit sans pouvoir la tirer. Alors on sonna le tocsin dans les Paroisses de Sainte-Soulle, Bourgneuf & Dampierre ; tous les habitans s’étant rassemblés, on forma une grande enceinte, & l’on parvint à tuer cette bête dangereuse. On se rappelle qu’il y a environ 12 ans qu’un loup enragé fit périr plus de 28 personnes dans les environs de la même ville. »

Bien heureusement, cette affaire n’est même plus un lointain souvenir … elle date du 13 mars 1779 ! C’est par une lettre adressée au pouvoir royal que cette histoire a été portée à la connaissance de tous. Cette lettre a été publiée dans la revue « Mercure de France » du 25 avril 1779.

C’est dans un article de la « Notice historique sur la société d’agriculture de La Rochelle (de 1760 à 1788) », datée de 1854 que d’autres précisions sont apportées à notre connaissance sur les circonstances de cette agression :

« Le 13 mars 1779, une louve monstrueuse ; que l’on disait enragée, blessa grièvement en deux endroits de la tête, un nommé Pierre Taussin, des Grandes-Rivières, paroisse de Sainte-Soulle, qui taillait la vigne dans le fief de Moranville, joignant le bois du Château de Cheusse. M. de Sélines ayant été averti de ce malheur, et que la louve était entrée dans le bois du château, s’y transporta avec ses domestiques et quelques paysans : mais n’ayant pu la tirer, il prit le parti de la faire suivre à la trace et d’envoyer sonner le tocsin dans les paroisses de Sainte-Soulle, Bourgneuf et Dompierre. Tous les habitants de ces paroisses ayant répondu à l’appel, la louve fut tuée dans le bois de la Roche-Bertin, à peu de distance du Château de Cheusse.

Ces sortes de malheurs n’étaient que trop communs. Les battues dirigées contre les loups avaient pour inconvénient de rejeter ces animaux sur les paroisses voisines où ils commettaient s’autant plus de ravages qu’ils y arrivaient inattendus et affamés. Celui qui tuait un loup recevait 10 livres, mais il était rare qu’un homme seul put obtenir cette gratification…. »

Alphonse Bouzitat de Sélines cité plus haut, Capitaine du Régiment de Navarre, était Seigneur de la terre et châtellenie de Cheusse, du grand-fief de Cheusse et fief de Sainte-Soulle, Coudin, Josapha, Paradis et autres lieux.

Le Docteur Dupuy qui a effectué les soins sur le blessé, a publié ses observations dans le cadre d’un grand dossier intitulé « suite des recherches sur la rage » dans les pages du très savant ouvrage « Histoire de la société royale de médecine ».

Il nous apprend que Pierre Taussin était domicilié au village des Rivières, paroisse de Sainte-Soulle et qu’il avait 52 ans. Après un mois de soins à l’hôpital général de La Rochelle, il décède le 13 avril des suites de ses nombreuses blessures, mais surtout de la rage transmise par les morsures de l’animal.

La veille de cette agression, le 12 mars, une autre eu lieu dans les bois de Surgères. La même louve, suivant les témoins, attaqua un jeune homme de dix-huit ans, Jacques Tenau qui gardait ses bœufs. Il décéda également de la rage 16 jours plus tard.

Rassurons nous, elle a heureusement disparu de nos contrées il y a bien longtemps !

Gil ARQUÉ

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